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Retour sur la table ronde du CSP Vaud : « Se séparer en préservant l’intérêt des enfants. Expériences et défis du consensus parental. »

Le 4 décembre 2023, le CSP Vaud a rassemblé, à la Salle de la Fraternité à Lausanne autour d’une table ronde, des experts et des expertes du terrain pour explorer en profondeur les enjeux liés à la séparation tout en préservant le bien-être des enfants. L’échange s’est organisé en trois parties.

  1. Une séparation, une période délicate…

Mme Céline Erard, responsable des questions institutionnelles du CSP Vaud et modératrice de la table ronde, a amorcé les débats en soulignant la délicatesse de la période de séparation, surtout lorsque des enfants sont impliqués. Mme Jacqueline Gay-Crosier de la Consultation couple et Famille (CCF) du CSP Vaud a offert un éclairage sur l’impact psycho-social de la décision de séparation et l’importance de l’accompagnement dans ces moments difficiles :

 « Vivre la fin d’une relation de couple, c’est très souvent devoir traverser des sentiments de tristesse, de colère, de culpabilité, d’injustice, d’abandon parfois aussi. Il n’est pas rare que la séparation fasse ressurgir de forts bouleversements intérieurs, qui peuvent être liés à des vécus passés, des relations précédentes ou une enfance douloureuse. Beaucoup éprouvent un sentiment de désarroi, comme si le sol qu’ils croyaient solide se dérobait sous leurs pieds et que la vie à venir perdait un peu de son sens. » Jacqueline Gay-Crosier 

 « Plus que la décision elle-même de séparation, les recherches montrent que ce sont les conflits parentaux qui sont dévastateurs pour l’enfant. Ces conflits, les souffrances vécues, les tempêtes émotionnelles traversées, en l’absence de reconnaissance et de mise en mots, accroissent énormément le risque d’un impact sur l’équilibre psychique de l’enfant et aussi souvent sur ses relations de couples futures. Les situations de séparations avec haut conflit parental demandent d’être accompagnées spécifiquement. » Jacqueline Gay-Crosier 

« L’espace de la consultation de couple est aussi un espace où, avant de travailler la coparentalité, peuvent se déposer les reliquats de la relation de couple qui s’est terminée, les tensions et les griefs encore existants, poser son sac à dos pour aller vers plus d’apaisement. » Jacqueline Gay-Crosier

 

Florent Gertsch, juriste, a présenté les actions entreprises par le Service juridique du CSP Vaud pour soutenir les couples en séparation. C’est-à-dire le travail d’information et de vulgarisation via les aide-mémoires publiés et les capsules vidéo, mais également le conseil juridique gratuit via les permanences juridiques sans rendez-vous et les consultations individuelles : 

 « Dès que l’on demande certaines prestations sociales – Aide sociale, PC Familles, PC AVS/AI -, ces organismes exigent que la pension alimentaire soit fixée. Parfois, ces prestations sociales sont bloquées en attendant l’établissement d’une convention de séparation… Nous devons souvent intervenir dans l’urgence. » Florent Gertsch

 

Enfin, Mme Irène Wettstein, avocate et médiatrice, a éclairé l’audience de ses observations dans les procédures judiciaires traditionnelles l’ayant conduite à engager le canton à un changement de paradigme.

 « La procédure est une source de dégât familial en cas de séparation ou de divorce, car devant le juge on doit émettre des conclusions. Et pour que le ou la juge soit convaincue, on doit affirmer des choses et les prouver par des pièces ou par des témoins qui viennent à l’audience. On parle de partie demanderesse et de partie défenderesse, il existe d’emblée une partie adverse. Donc, on part tout de suite dans un combat…» Irène Wettstein

« Les consultations des pédopsychiatres sont pleines d’enfants qui se portent très mal en lien avec les séparations et les divorces de leurs parents et la procédure n’aide pas, car elle est souvent longue. » Irène Wettstein

  1. Le consensus parental et ses bases :

Le deuxième volet de la discussion s’est concentré sur le consensus parental en tant que modèle judiciaire alternatif. Irène Wettstein, initiatrice du projet pilote, a expliqué les bases du modèle de consensus parental, mis en œuvre depuis le début de l’année 2023 dans le tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois et soutenu par l’Ordre judiciaire vaudois et par le Département de la Jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES), mais également les premières observations après les premiers mois de fonctionnement.

 « Le consensus parental repose sur deux principes. Tout d’abord, mettre le bien de l’enfant au centre de toutes les réflexions, ce qui passe notamment par inciter à terminer rapidement la procédure. Puis responsabiliser les parents. Cela renverse la perspective habituelle : quand on va en justice, en tant que client ou cliente, souvent on va poser sa main sur l’épaule de l’avocate faisant fi de sa responsabilité de parents. » Irène Wettstein

 « Quand j’explique à ma clientèle le processus du consensus parental qui passe par une séance de sensibilisation, vise le dialogue, la médiation entre les parents pour poser les jalons d’un travail de coparentalité, cela soulage, car la perspective d’une audience que l’on ne maîtrise pas engendre de la crainte. » Irène Wettstein

Plus d’informations sur les principales étapes du consensus parental en cliquant ici

 

Les représentantes de la CCF, quant à elles, ont mentionné la contribution de leur service dans ce projet pilote. En effet, le consensus parental fait émerger l’importance de travailler le lien entre les parents, ainsi le réseau des institutions qui accompagnent les familles joue deux rôles essentiels. Celui d’apporter leur longue expérience et leurs compétences pour sensibiliser le monde judiciaire sur les enjeux relationnels, et participent aux réflexions de pilotage du consensus parental. Et celui de venir compléter les mesures à disposition permettant de mieux cibler, en connaissance des offres spécialisés et différenciées des besoins particuliers des couples. 

  1. Violence au sein de la famille :

La dernière partie de la table ronde a abordé la question cruciale de la violence au sein des familles. Mme Marie-France Courvoisier de la CCF a évoqué les points d’attention, la mobilisation du réseau, et les recommandations pour faire face aux situations de violence familiale.

« Il y a une augmentation significative des violences domestiques dans les couples sous différentes formes : verbale, psychologique, économique et sexuelle. » Marie-France Courvoisier

« Un travail commun pour mieux définir l’identification des situations d’emprise et de violence demeure une priorité. Une première rencontre avec les autorités et partenaires a eu lieu courant octobre 2023. Néanmoins, il est important de relever que les services dits spécialisés dans la prise en charge des situations d’emprise et de violence sont débordés avec des délais d’attente de 5 à 8 mois ! Ce qui nous inquiète particulièrement pour construire une coparentalité. Et le temps de l’enfant, ce n’est pas le temps de la justice, ni le temps de l’adulte…». Marie-France Courvoisier

« Des solutions pourraient émerger comme la séparation des prises en charge, d’une part la prise en charge pour l’emprise ou la violence par une structure et un travail de coparentalité par une autre ». Marie-France Courvoisier

La table ronde a fait salle comble. Les échanges avec le public ont confirmé l’actualité et l’importance de favoriser les actions allant dans le sens du consensus parental. Les regards croisés d’Irène Wettstein au centre de la procédure, et des services du CSP Vaud qui œuvrent en amont et en aval ont jeté une lumière nouvelle sur les enjeux autour de la préservation du bien-être des enfants lors des séparations et des divorces. Le CSP Vaud continue de jouer un rôle essentiel d’observateur du terrain et de lanceur d’alerte en abordant ces questions sensibles de manière approfondie et constructive.