Parler d’argent et de consommation avec les jeunes

PARLER D’ARGENT ET DE CONSOMMATION AVEC LES JEUNES DANS UNE OPTIQUE PRÉVENTIVE.

Depuis 2007, un programme de prévention du surendettement se développe dans les établissements de formation post-obligatoire du canton de Vaud. Des professionnel-le-s du Centre social protestant Vaud (CSP), spécialisés dans les questions d’argent et de dettes, et dans les problématiques jeunes, ont élaboré cette démarche de prévention primaire et interviennent dans les écoles professionnelles, gymnases et établissements de la transition1 sur les questions d’argent.

C’est très intéressant et encourageant de préparer les jeunes à construire leur avenir. Très enrichissant. 2*

Les actions sont réalisées dans le cadre du programme cantonal de prévention du surendettement, lancé par le Conseil vaudois de politique sociale en 2007 et financé par la facture sociale vaudoise. La coordination associe deux départements («Formation et Jeunesse» et «Action sociale»), ainsi que les principaux acteurs impliqués sur le terrain. La démarche est participative et implique les établissements, les enseignant-e-s et les élèves. Des travailleurs-euses sociaux du CSP proposent aux enseignant-e-s et aux jeunes une sensibilisation sur le rapport personnel à l’argent, des réflexions sur la consommation, des informations concrètes sur les budgets, la gestion financière, les modes d’emprunt, le processus d’endettement et ses risques, les moyens de les éviter, etc.

Ça peut arriver à tout le monde. Ça m’a donné des idées pour mettre de l’argent de côté et on sait où s’adresser en cas de problème.*

Près de 10000 élèves sensibilisé-e-s de 2007 à 2012 De 2007 à ce jour, l’action de prévention a impliqué dix écoles professionnelles, six gymnases, et des établissements de la transition (sept sites de l’OPTI et le COFOP). Jusqu’à l’été 2012, en cinq années scolaires, près de 450 classes, représentant près de 10000 élèves et jeunes en formation ont bénéficié de ce programme de prévention. Depuis 2012, bien qu’on sache qu’il augmente, il devient difficile de chiffrer le nombre d’élèves sensibilisés du fait de la reprise des actions par les enseignant-e-s eux-mêmes. Dans chaque classe, les élèves sont d’abord sensibilisés au thème de l’argent par leurs enseignant-e-s, avec l’appui de supports variés: atelier de théâtre forum, projection d’un documentaire, débat. Les professionnel-le-s du CSP leur proposent ensuite une réflexion sur le rapport à l’argent, la consommation et la gestion de l’argent, grâce à des modes d’intervention interactifs (exercices autour du budget et des comportements face à l’argent, «Histoires d’argent»3).

On voit bien si les parents en parlent ou pas! Moi, ma mère m’en parle tous les jours …*

L’intervention est modulée en fonction de la situation des élèves, certain-e-s disposant d’un salaire d’apprenti-e, d’autres pas (apprenti-e-s en école à plein temps, gymnasien-ne-s, élèves en transition ou en pré-apprentissage d’orientation), de la durée des études, et donc l’entrée dans la vie salariée.

(…) nous avons appris toute une série d’astuces qui permettent de mieux gérer un budget, par exemple l’idée d’ouvrir un compte pour mettre de côté l’argent destiné au paiement des factures trimestrielles.*

Démultiplication par les enseignant-e-s Les enseignant-e-s constituent également un publicible. En effet, la philosophie du programme repose sur des perspectives de démultiplication et de pérennisation, pour autant que les enseignant-e-s concernés souhaitent se réapproprier les modèles proposés et les intégrer dans leur propre pratique. Dans ce cas, le CSP fournit les supports, ainsi que des manuels d’utilisation.

L’action est bien construite, elle implique une participation, une interaction avec les élèves. Ce n’est pas un message accusateur, moralisateur,qui dirait: Attention, si vous dépensez de l’argent, vous allez vous endetter, vous allez avoir des ennuis! L’action propose une réflexion et vise une prise de conscience.**

Une sensibilisation au thème leur est proposée par les professionnel-le-s du CSP, via un module de formation continue «Histoires d’argent», intégré au programme de formation continue de la Haute Ecole Pédagogique vaudoise dès 2010. Des outils sont également proposés aux enseignant-e-s qui traitent cette matière dans le cadre de leur programme régulier.

Pour mesurer l’intérêt des enseignant-e-s, on peut se fier à ce baromètre: la première année d’intervention du CSP dans les classes, il y avait quelques profs, cette année, presque tous les profs étaient partant-e-s!**

Depuis 2009, des établissements poursuivent cette action de façon autonome, avec parfois des interventions supplémentaires du CSP, qui assure un suivi sur demande et selon les besoins. Certaines écoles se sont organisées à l’interne pour assurer cette reprise de l’action, avec par exemple des personnes volontairement «porteuses» et attentives à la bonne poursuite des opérations. Facteurs importants pour le succès du programme Au cours des années, l’expérience a montré l’importance de certains facteurs pour le succès d’un tel programme:

– avoir un contenu accessible, proposer une démarche qui fournit «matière à réflexion»,

– que les élèves en retirent des connaissances et des compétences, et que cela leur plaise,

– une adaptation à chaque type d’écoles (écoles professionnelles, gymnases, transition) et aux programmes en cours, – l’adhésion des principaux acteurs (direction, enseignant-e-s),

– la présence d’interlocuteurs-trices relais au sein de l’établissement susceptibles de mobiliser (enseignant-e-s intéressés, de branches économiques, chef-fe-s de file, animatrices santé),

– pouvoir offrir une aide concrète aux élèves en cas de besoin (prévention secondaire)

Les supports des actions de prévention jouent un rôle important: le fait qu’ils plaisent aux jeunes est plutôt déterminant, ne serait-ce que pour capter l’attention.

Le film est vraiment excellent, il met en scène plusieurs personnes avec des réactions différentes face à l’argent, c’est très très bien!*

Le renouvellement des supports, avec les nouveaux outils tirés de la mallette pédagogique commune aux quatre CSP ou le film Cache Cash4, est également utile et bienvenu. Actions de prévention primaire s’adressant aux jeunes hors milieu scolaire L’évaluation du programme général de prévention en 2012 a conduit à renforcer les actions s’adressant aux jeunes hors du champ scolaire. Avec ce nouvel axe, l’idée est de toucher les jeunes via internet et les réseaux sociaux, ainsi que dans les milieux associatifs et les structures liées à la jeunesse (organisations de jeunesse, centres socioculturels, maisons de quartier où se trouvent les jeunes, projets de communes). En concertation avec les interlocuteurs en présence, le CSP va proposer des actions-animations en lien avec l’argent et la consommation. Par exemple, l’association Ciao et le CSP projettent pour le site CIAO des animations (quizz, autotest), en lien avec la rubrique «Argent». Ce nouveau volet d’actions de prévention est coordonné avec celles en milieu scolaire, du fait que les mêmes jeunes peuvent être concernés, et que les actions ne doivent pas être redondantes. Il s’agit donc de réfléchir à de nouvelles idées pour ouvrir des espaces de discussion autour de l’argent et de la consommation, et faire passer certains messages de prévention, toujours en privilégiant les approches non moralisatrices et participatives.

 

1OPTI: organisme pour le perfectionnement scolaire, la transition et l’insertion professionnelle et COFOP: Centre d’orientation et de formation professionnelle depuis 2013.

2 Les citations ont été recueillies lors d’ateliers de prévention menés dans des écoles professionnelles et gymnases vaudois; *parole d’un-e élève / **parole d’un-e enseignant-e.

3Ces «Histoires d’argent» sont présentées à l’aide d’un powerpoint mettant en scène les aventures financières de jeunes hommes et de jeunes femmes, dont le scénario donne l’occasion d’aborder les principales connaissances et pratiques pertinentes en matière d’éducation financière.

4 En 31 minutes, ce film de Léo Maillard présente des témoignages en paroles de la diversité des relations à l’argent, des rapports entretenus par les jeunes à la consommation dans une approche tolérante et non moralisatrice.