David Wagnières : un regard sur Galiffe

Pendant un an, le photographe genevois David Wagnières a fréquenté l’Atelier Galiffe pour en capturer des instants de vie et saisir la magie de ce lieu. Il nous raconte son travail et ses intentions.

David Wagnières a travaillé comme photographe dans la pub et la communication, avant de collaborer pendant 13 ans en tant que rédacteur photo au journal Le Temps. Travailler pour la presse figure parmi les activités qu’il apprécie particulièrement : « Dans le journalisme, il y a une sorte de rapport de force entre l’information évoquée dans l’article et la photo, qui voudra montrer autre chose. Face à une réalité donnée, le photographe peut amener sa sensibilité dans la photo. »

Et cette sensibilité, en quoi consiste-t-elle ?  « J’aime quand les images suscitent une émotion. Je ne suis pas quelqu’un qui trouve facilement ses mots. Avec le temps, j’ai pu développer une sorte de langage qui inclut les hors-champs. Avec la photo, j’essaie de déplacer l’attention du spectateur de l’explicite vers l’implicite : je vais chercher une faille, une intention, une ambiance… Tout ce qui montre que les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent ».

Témoigner, documenter, parler des gens
C’est à l’été 2022 que David Wagnières a démarré son mandat pour Galiffe : saisir et documenter la vie et l’esprit des lieux, pour ainsi dire, de l’ancien atelier du chemin Annie-Jiagge, avant son déménagement en septembre 2023 à la rue de la Coulouvrenière.

Au Marché aux plantes de Galiffe, en mai dernier

« Galiffe, c’est un lieu que j’aime beaucoup pour une cause qui me tient à cœur », résume-t-il. « Cet endroit est à la fois déstructuré et super encadré : on laisse les gens faire, dans une espèce de monde magique, avec un regard qui veille toujours sur l’autre – contrairement à un complexe hospitalier froid où on n’a pas le temps de s’occuper des gens. »

Pour David Wagnières, « on est dans une société qui ne défend pas bien les personnes qui sont à la marge, socialement et moralement. Ces personnes n’ont pas la force de monter aux barricades, elles sont un peu les perdantes du monde actuel. Pour moi, c’est important de ne pas les oublier, de les mettre en avant ».

Comment dès lors représenter le lieu, selon l’une des demandes du mandat, sans en représenter les occupants ? « Galiffe, c’est un espace qui prête à tous les rêves, comme un mirage dans la ville. Cadré dans le viseur de la caméra, le réel sera inévitablement en deçà du merveilleux fantasmé. »

L’évocation d’un monde

Le jardin de l’actuel Atelier Galiffe, rue Annie-Jiagge

Les photos de David Wagnières n’en sont pas moins habitées. Tout au long des activités de Galiffe et des saisons, de jour et à la nuit tombante, le photographe s’est pénétré des détails et des textures de l’atelier. Sous son regard, la fameuse cabane rouge aux volets bleus est comme suspendue, propulsée dans un autre temps, évoquant à merveille l’espace de transition dans lequel se situe ce lieu en voie de disparition.

Il importait justement au photographe de « documenter tout ce pan de Genève qui change » : « La ville devient de plus en plus efficace. Les zones intermédiaires, où les gens bricolent, n’entrent pas dans le processus urbain. » L’aspect témoignage est très important pour lui : « J’ai voulu témoigner d’un patrimoine bâti qui s’en va, pas par le biais d’une photographie sèche, mais en y ajoutant des impressions personnelles et une touche de décalage. »

David Wagnières poursuit aujourd’hui son voyage en tant que photographe indépendant. Portraits et paysages, ici et ailleurs, art et phénomènes sociaux, constituent quelques-uns des motifs et des thèmes de son riche portfolio.