Jeunes débouté·es : le coût économique de l’interdiction de travailler

13 millions de francs en 10 ans, c’est le manque à gagner pour la collectivité genevoise de l’interdiction de travailler faite à 32 jeunes personnes déboutées de l’asile vivant à Genève depuis plusieurs années !

C’est ce que conclut l’étude universitaire réalisée par Julien Massard, sous la direction de Giovanni Ferro-Luzzi, de l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion (IREG), mandatée par le CSP Genève et l’association Vivre Ensemble. Cette perte sèche comprend l’aide dite « d’urgence », à savoir une aide à la survie de CHF 10.- par jour et le manque à gagner si ces jeunes avaient pu travailler pour l’économie genevoise. Une estimation minimale, puisqu’elle ne prend pas en compte les effets collatéraux d’une telle interdiction, parmi lesquels les atteintes à la santé psychologique ou encore le coût des mesures policières.

Une impasse aussi coûteuse pour les personnes déboutées que pour la collectivité.

Les jeunes personnes déboutées de l’asile sont dans une situation paradoxale et coûteuse : « On interdit l’accès au travail à des jeunes qui sont plus que motivés et qui ont toutes les capacités ! », souligne ainsi Giovanni Ferro-Luzzi. Alain Bolle, directeur du CSP Genève, dénonce une forme de violence d’Etat faite à l’encontre de ces jeunes : « L’interdiction qui leur est faite de s’engager dans la formation de leur choix et de travailler, et donc d’avoir droit à un avenir, est une situation de maltraitance inadmissible. Le Canton peut et doit faire mieux et autrement ». Lucine Miserez, assistante sociale au Service d’aide aux réfugié·es du CSP Genève, relève pour sa part la force et le courage exigé de jeunes pour s’impliquer dans des formations sans la moindre perspective.

Shewit, Habtom et Deke sont des exceptions, puisqu’ils ont tous trois pu accéder à une formation, CFC et universitaire. « Soit on ne faisait rien à la maison, soit on suivait cette formation, même si on n’aimait pas », témoigne Shewit, une jeune Erythréenne arrivée seule en Suisse à l’âge de 16 ans. Habtom souligne que, tout au long de sa formation, il ne cessait de recevoir des ordres d’expulsion, alors que son renvoi est inexécutable. Une situation très difficile sur le plan psychologique. « On se sent exclu et de trop, pas à notre place », conclut Deke, étudiant en droit de 21 ans.

Cela fait près de cinq ans que les associations s’activent pour que les jeunes déboutés de l’asile puissent poursuivre la formation de leur choix, travailler et être régularisés. Aujourd’hui, le constat est toujours le même : la non-régularisation implique l’impossibilité de suivre une formation duale et donc souvent l’absence de perspective.

Le CSP Genève et l’association Vivre Ensemble appellent les autorités cantonales à adopter une solution globale et systématique pour sortir ces jeunes d’un no man’s land juridico-administratif et leur offrir ainsi un avenir. Nous recommandons, sur le modèle du canton de Fribourg, d’offrir une autorisation de travail à tous les jeunes débouté·es afin qu’elles et ils puissent prétendre à une régularisation par la suite.

Retrouvez les témoignages de Habtom, Shewit et Deke sur le site de l’association Vivre Ensemble


© image: Ambroise Héritier/Illustration parue dans la revue Vivre Ensemble n°181/février 2021