Pour certain·es*, quitter un·e conjoint·e violent·e implique le risque de perdre son permis de séjour

En 2013, Erina (prénom d’emprunt) rejoint son fiancé à Genève avec des rêves plein les yeux. Malheureusement, la situation se dégrade très rapidement et vire au cauchemar.

Entre promesses non tenues, violences domestiques et menaces de renvoi au pays par son conjoint, Erina décide de quitter son mari et fuit le foyer conjugal après deux ans de calvaire. Elle trouve refuge dans un établissement pour femmes victimes de violence. Son état de santé psychique est inquiétant. Elle est suivie médicalement.

Après deux mois d’arrêt de travail, lorsqu’Erina tente de se reconstruire, vient la question du permis de séjour à renouveler. L’Office cantonal de la population (OCPM) reconnaît les violences dont elle a été victime, condition nécessaire au renouvellement du permis malgré la séparation des époux, conformément à l’article 50 de la Loi sur les étrangers (LEI). Il transmet alors son dossier au Secrétariat d’État aux migrations (SEM), pour approbation.

Cependant, le SEM n’est pas du même avis et informe Erina de son intention de refuser sa demande et de la renvoyer au Kosovo pour le motif que les violences subies ne sont pas suffisamment établies.

Erina fournit alors plusieurs preuves supplémentaires (attestation du foyer qui l’a accueillie, rapport médical, certificats médicaux ainsi qu’un courrier d’un proche témoignant des violences subies). Cependant, ces éléments ne suffisent pas au SEM qui maintient son refus. Il estime que les éléments présentés ne suffisent pas à attester le caractère systématique de la maltraitance ainsi que le degré de gravité exigé par la jurisprudence pour se prévaloir de l’article 50.

Avec l’aide du CSP, Erina fait recourt contre cette décision auprès du Tribunal Administratif fédéral (TAF). Ce dernier considère dans son arrêt, qu’Erina a en effet subi durant sa vie commune des mauvais traitements systématiques visant à la placer en situation d’infériorité pour exercer un contrôle sur elle, que ceux-ci ont revêtu une intensité certaine et qu’ils se sont inscrits dans la durée. Une victoire et un soulagement pour Erina qui est finalement autorisée à rester en Suisse pour y reconstruire sa vie. Avec le prolongement de son permis de séjour, elle peut poursuivre une formation qu’elle adore dans le domaine de l’horlogerie.

Retrouvez l’article complet dans l’édition de juin 2023 de notre journal Les Nouvelles : Après la violence, avoir le droit à une nouvelle vie, p. 7

L’application actuelle de la Loi sur les étrangères (LEI) exige des femmes migrantes, venues en Suisse par mariage, qu’elles apportent la preuve de violences intenses et répétées pour prolonger leur permis en cas de séparation. Une disposition inconcevable, qui contribue à les maintenir dans la violence plutôt que de les protéger. Le CSP milite pour la modification de la LEI. A ce titre, l’association CSP.ch a publié une prise de position en mars 2023.


*En 2022, en Suisse, plus de 70% des victimes de violence domestiques sont des femmes (OFS 2023)