Modification de la loi sur l’asile: une révision insuffisante

Communiqué de presse – Genève, le 3 mai 2023


Sécurité et exploitation dans les Centres fédéraux d’asile : une révision de la loi insuffisante

En janvier 2023, le Conseil fédéral a mis en consultation une modification de loi sur l’asile (LAsi) ayant pour but de réglementer l’exploitation des Centres fédéraux d’asile (CFA) et le maintien de la sécurité au sein de ceux-ci. Dans leur prise de position, les Centres sociaux protestants (CSP.ch) saluent la volonté de mettre un cadre légal autour de pratiques comme les fouilles, la contrainte ou les mesures disciplinaires. Ils regrettent toutefois le peu d’attention donné aux besoins des personnes en demande d’asile, que ce soit en termes de protection, d’encadrement ou de santé physique et psychique. La modification proposée touche aux droits fondamentaux des personnes – protection de la vie privée et la liberté de mouvement – et, à ce titre, reste largement insuffisante.

Le projet du Conseil fédéral introduit des bases légales permettant l’usage de la contrainte policière et de mesures policières comme la fouille ou la rétention de personnes requérantes d’asile. Il souhaite aussi inscrire dans la LAsi les mesures disciplinaires que le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) peut ordonner à l’encontre des personnes qui perturbent le bon fonctionnement des CFA. Enfin, le projet précise les tâches qui peuvent être déléguées à des tiers, notamment celles visant à garantir la sécurité et l’ordre. Cette modification vise à combler des lacunes dans la loi mises en lumière par l’ancien juge Oberholzer, dans un rapport publié en 2021. Son enquête faisait suite à la dénonciation de nombreux cas de violences perpétrées dans les CFA à l’encontre de personnes requérantes d’asile.

Malheureusement, le projet proposé présente ces personnes principalement sous l’angle d’un danger potentiel, ceci afin de justifier l’usage de la contrainte et des mesures disciplinaires. Pourtant, dans les faits, ce type de mesures ne se justifie que très rarement. En découle trop peu d’attention aux besoins des personnes en demande d’asile. Les CSP regrettent l’absence d’une base légale permettant la constitution d’un organe indépendant de dépôt des plaintes pour les résident∙es des CFA. Ils dénoncent des mesures excessives, telle que la rétention provisoire au sein des centres. Les voies de recours proposées doivent aussi être clarifiées et adaptées pour rendre concret le droit à un recours effectif.

Les CSP se montrent également très critiques quant à la délégation des tâches d’encadrement et de sécurité à des tiers, notamment à des entreprises privées. De manière générale, la délégation entraine une bureaucratisation du travail social, une dilution des responsabilités, ainsi que la prééminence d’une logique de profit sur celle de l’accueil. Et les modifications proposées restent trop floues : les exigences et les garanties posées aux tiers mandatés, de même que les critères de qualité et le contenu de la formation de leur personnel doivent être précisés. En outre, alors que le projet de loi spécifie à plusieurs reprises la responsabilité du SEM en matière de pouvoir décisionnel dans tout ce qui est lié à l’ordre et à la sécurité, une interrogation subsiste sur la manière dont se fera la prise de décision et la mise en œuvre de ces tâches, rien n’étant dit à ce sujet.

De manière générale, le projet du Conseil fédéral introduit des éléments nécessaires, mais ne permet en aucun cas d’affronter le problème structurel des CFA. Les CSP sont convaincus que seule une véritable prise en compte des effets de déshumanisation, de précarisation et de vulnérabilisation des personnes, produits par l’isolement des centres et leur aspect semi-carcéral, permettra d’instaurer un climat de sécurité et un cadre sûr permettant aux personnes d’exposer leurs récits et leurs motifs d’asile.

Télécharger la prise de position des Centres sociaux protestants

Contact : Raphaël Rey, chargé d’information sur l’asile au CSP Genève, 079 907 59 40